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Obligation périodique de statuer sur un projet d’augmentation de capital réservée aux salariésL’ANSA se prononce en faveur d’une interprétation plus volontariste que textuelle du point de départ du nouveau délai de cinq ans
Aux termes de l’article L 225-129-6, alinéa 2 du Code de commerce, les actionnaires/associés des sociétés par actions doivent se prononcer, tous les trois ans, sur un projet d’augmentation de capital réservée aux salariés, tant que les salariés de la société et du groupe représentent moins de 3% du capital social (cette obligation étant couramment dénommée par la doctrine « obligation périodique »).
La loi n° 2012-387 du 22 mars 2012, relative à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives, a complété l’alinéa 2 susvisé, en prévoyant que « ce délai est repoussé à cinq ans » si, à l'occasion d'une augmentation de capital, les actionnaires/associés se sont prononcés depuis moins de trois ans sur un projet d’augmentation de capital réservée aux salariés (c’est-à-dire, en pratique, si les actionnaires/associés ont été amenés, entre deux obligations périodiques, à devoir respecter ce que la doctrine appelle communément l’« obligation permanente » de statuer sur une augmentation de capital réservée aux salariés à la suite d’une opération d’augmentation de capital de droit commun). Comment doit être interprétée cette nouvelle disposition ? Plus précisément, quel est le point de départ de ce nouveau délai de cinq ans ? Prenons l’exemple d’une société dont les actionnaires ont été consultés en application de l’obligation périodique en 2013. En principe, ils devront à nouveau être consultés, en 2016, en application de cette même obligation périodique : 2013 ----- 3 ans ----> 2016 Si la société procède à une augmentation de capital entre 2013 et 2016 (par exemple, en 2014) et que les actionnaires sont ainsi consultés, en 2014, dans le cadre de l’obligation permanente, devront-ils à nouveau être consultés en application de l’obligation périodique :
Lors de l’entrée en vigueur de la loi, nous nous étions prononcées en faveur de la première interprétation (cf. La Revue du 11 avril 2012). En effet, les termes « ce délai est repoussé à cinq ans » nous paraissent sans équivoque : le délai initial de trois ans est repoussé de deux ans, sans que cela affecte son point de départ, qui reste identique. Cette position semble aussi être celle d’une partie de la doctrine (cf., par exemple, Mémento Pratique Francis Lefebvre 2013, n° 70453).
Interrogée par la Chancellerie, l’Association Nationale des Sociétés par Actions (ANSA) fait cependant prévaloir la seconde interprétation, consistant à envisager le délai de cinq ans comme un délai autonome (cf. Communication ANSA n° 12-060, novembre 2012). Ainsi, tout en admettant que « la première interprétation semble apparemment plus proche du texte », l’ANSA estime qu’elle « aboutit à un résultat inverse de l’objectif de simplification ». En effet, avant l’entrée en vigueur de la loi du 22 mars 2012, une partie de la doctrine (cf. Comité juridique ANSA n°3062, avril 2001 et Circulaire interministérielle du 22 novembre 2001 relative à l’épargne salariale, commentée dans le Feuillet Rapide Francis Lefebvre 55-01 du 3 décembre 2001, n°562, page 80) considérait déjà que lorsque les actionnaires/associés étaient consultés, entre deux obligations périodiques, en application de l’obligation permanente à la suite d’une augmentation de capital autonome, cette consultation avait pour effet de « remettre à zéro le compteur » des trois ans dans le cadre de l’obligation périodique. Ainsi, pour reprendre notre exemple ci-dessus, sous l’empire des anciennes dispositions, l’augmentation de capital autonome réalisée en 2014, devenue le nouveau point de départ de l’obligation périodique, aurait eu pour effet de reporter cette obligation périodique de 2016 à 2017. 2013 -----> 2014 ---- 3 ans ----> 2017 Si cette augmentation de capital autonome, au lieu d’être réalisée en 2014, avait été effectuée en 2015, l’obligation périodique aurait alors, selon l’interprétation doctrinale ci-dessus, été reportée en 2018, soit la même année que celle à laquelle elle est désormais reportée si l’on choisit la première interprétation des nouvelles dispositions. La loi de 2012, en repoussant le délai de trois à cinq ans, ne simplifierait donc en rien le dispositif dans ce cas précis. La seconde interprétation, repoussant l’obligation périodique en 2020, doit donc prévaloir. En conséquence, malgré le poids incontestable des avis de l’ANSA (en particulier lorsqu’il s’agit de réponses à des questions officielles de la Chancellerie) et dans l’attente, soit d’une confirmation par la doctrine des Commissaires aux comptes (CNCC), soit d’une clarification législative telle qu’elle a été proposée par l’ANSA dans sa réponse à la Chancellerie, il nous semble plus prudent, si le cas se présente en pratique, de s’assurer préalablement de l’accord du Commissaire aux comptes de la société, avant d’adopter la position volontariste de l’ANSA. La Revue est une publication Squire Sanders | Avocats Paris | www.ssd.com
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